Acceuil >

L’Alouette des Gaules, de l’escrime à la lutte

Par Habib Essanhi
Le 26/11/2023 - 07h00

thumbnail de l'article

Les premiers pas d’un club

Escrime, tir, gymnastique, lutte, athlétisme… Doyenne des clubs sportifs de Bourg, et l’un des plus anciens de France, l’Alouette des Gaules est connue pour de nombreuses disciplines. La création de ce grand club fournisseur de champions s’inscrit dans le contexte revanchard de la fin du XIXsiècle, où le sport est magnifié.

Un contexte national favorable à l’émergence du sport

À la fin du XIXsiècle, encouragé par l’ensemble de la classe politique de la Troisième République, l’esprit de revanche contre l’Allemagne anime toutes les couches sociales. Personne n’a encore « digéré » la récente perte de l’Alsace et de la Lorraine. Cette ardeur belliqueuse est encouragée dès le plus jeune âge : les futurs soldats doivent être prêts pour le combat. C’est dans ce contexte que le sport se développe en France… et à Bourg !

Bourg voit fleurir de nouvelles disciplines

À Bourg, dans les années 1870, des clubs de tir, d’escrime et de gymnastique notamment voient le jour, même si « les premières démonstrations publiques d’escrime […] ont lieu à la salle du Bastion dès juillet 1861 ». Ces dernières sont à l’initiative des militaires.

Les premiers clubs sportifs burgiens

Fondé en 18691 par Thomas Riboud des Avinières (représentant de l’une des familles de juristes les plus illustres de la région), alors qu’il n’a que 15 ans, le club d’escrime côtoie le club civil de tir, fondé lui-même en 1872 par son père Alexandre Riboud. En 1874, l’enseignement de la gymnastique y est adjoint. Tir, escrime et gymnastique coexistent donc dès cette année, d’autant que les athlètes de l’époque pratiquent plusieurs disciplines. En 1876, la salle d’escrime est même jugée trop exiguë et un gymnase est construit.

Par patriotisme, l’éducation morale et physique est alors au cœur des projets sportifs. D’ailleurs, l’objet de la première manifestation sportive du club d’escrime à la salle du Bastion, le 10 mars 1872, est dédié à la libération du territoire.

1 Nous avons ici privilégié la date de 1869 (et non celle de 1872, citée par tous les autres écrits), selon les recherches de Rémi Riche, publiées en 2013 dans Les Chroniques de Bresse (n°6).

La naissance de l’Alouette des Gaules

Si l’Alouette des Gaules trouve ses racines dans le club d’escrime créé en 1869, ce n’est qu’en 18782 qu’elle est officiellement créée, sous l’initiative du pharmacien Louis Parant (voir encadré). Selon ce dernier, l’Alouette des Gaules a pour vocation de « propager l’amour des exercices physiques propres à compléter l’instruction de la jeunesse au point de vue militaire ». Le club propose notamment des « activités d’escrime, de gymnastique, d’instruction militaire et d’éducation morale ». Le siège est établi au n° 19 de la rue Victor-Basch.

2 Les documents d’archives et l’un des premiers tampons indiquent que l’Alouette des Gaules a été créée en 1878 (Les Chroniques de Bresse n°6, 2013, p. 133).

L’Alouette des Gaules s’affirme dans la vie publique

En 1881, d’anciens membres, de retour du service militaire, impulsent une nouvelle dynamique au club. Ils intègrent la préparation militaire avec la devise « Se rendre utile à la patrie ». Le club participe désormais aux fêtes patriotiques ou de bienfaisance et s’affirme dans la vie publique. Entre autres, l’Alouette des Gaules organise la première fête fédérale le 7 mai 1893, sur le Champ-de-Mars.

Louis Parant : pharmacien, humaniste et sportif

Né à Bourg en 1857, ce pharmacien tient son officine au centre de Bourg, rue Victor-Basch. Parallèlement à son activité professionnelle, il est dévoué aux différentes causes humanitaires locales, voire nationales. Soucieux notamment de la santé des enfants (lutte contre la mortalité infantile, la tuberculose, etc.) et des conditions de vie des autres, il est à l’origine de la « goutte de lait » qui vise à préserver les nourrissons des maux du premier âge. Il prépare lui-même, dans un local place Edgar-Quinet, le lait en flacons stérilisés pour éviter aux nouveau-nés d’être en contact avec les microbes. Des mamans viennent alors chaque matin récupérer la ration du jour pour leur enfant.

Il s’intéresse également au sport. Dans ce contexte, il occupe la fonction de président de l’Alouette des Gaules de 1878 à 1898, qu’il transforme en profondeur. Avant son décès en 1929, il fait un don de 25 000 francs. Celui-ci sera utilisé pour la construction du stade qui porte son nom.

L’Alouette des Gaules, de l’escrime à la lutte

Un club vivier de champions

Depuis la fin du XIXsiècle, l’Alouette des Gaules forme des champions dans presque toutes les catégories de poids de la lutte gréco-romaine. Doté d’une nouvelle direction depuis juin 2016, le club entend bien poursuivre la tradition…

Les premières compétitions dans l’Ain

Créée en 1873, l’Union des sociétés de gymnastique de France (USGF) comprend des structures régionales et départementales. L’Alouette des Gaules figure parmi les 8 clubs de la Fédération des sociétés de gymnastique de l’Ain. Cette dernière organise des compétitions. Le 8 mai 1893, Claudius Favier, pupille de l’Alouette des Gaules, assiste à un concours de la fédération à l’invitation d’Albin Gauthier, moniteur de lutte au même club.

Claudius Favier, un jeune sportif hors norme qui va collectionner les titres

Né à Bourg-en-Bresse en 1883, Claudius Favier insuffle un véritable élan à l’Alouette des Gaules et contribue à créer la section « lutte ». Âgé de 9 ans seulement lorsqu’il entre au club en 1892, il devient champion de l’Ain en 1894 et obtient sa première médaille dans les épreuves de gymnastique, grimper de corde, jambes à l’équerre et course de 60 mètres. Il réitère l’exploit en 1898, à l’âge de 15 ans. En 1900, comme il n’a que 17 ans, le club obtient qu’on lui avance sa date de naissance d’un an afin qu’il puisse participer aux deuxièmes Jeux olympiques, qui se tiennent à Paris.

Imposant, il remporte de nombreux titres nationaux et internationaux. Il se surpasse dans la gymnastique, l’athlétisme, le lancer de la pierre, aux poids et haltères, en lutte et en rugby. Vice-champion d’Europe des haltères, il devient moniteur puis président de l’Alouette des Gaules de 1944 à 1949 ; il succède alors à Henri Villard, chapelier à Bourg. Comme entraîneur lors des épreuves du championnat d’Europe, il réconforte les sportifs avec… du vin blanc !

D’autres champions

Par la suite, beaucoup d’autres champions marquent l’histoire du club, en particulier Jean Steurer pour l’athlétisme, Joseph Viallet et Robert Theppe en gymnastique, Jacky Bressous, Franck Charbon, Hafid Dib, Aziz et Hafid Esslimi, Choukri Attafi, Nabil El Harde, Najim Chinoune, Sofiane El Aloui, Badr El Garouani, Brahim et Tarik Belmadani notamment pour la lutte. Mention spéciale pour Mustapha Dib, qui aligne pas moins de 8 titres de champion de France de lutte libre et gréco-romaine !

Bien sûr, cet article serait incomplet s’il n’évoquait pas Alain Mimoun. « Découvert en 1940 par Henri Villard, président de l’Alouette, alors qu’il court sur le stade Louis Parant, ce marathonien décrochera 16 ans plus tard la médaille d’or aux Jeux olympiques de Melbourne ».

L’Alouette des Gaules aujourd’hui : un acteur majeur de la vie sportive aindinoise

Depuis la création du club, les événements sportifs et festifs se succèdent, dans plusieurs disciplines : lutte, gymnastique, athlétisme, haltérophilie, etc. Dans des temps récents, l’Alouette des Gaules a organisé plusieurs championnats de France ; certaines manifestations ont compté plus de 6 000 gymnastes ! Aujourd’hui, les disciplines athlétiques sont regroupées au sein de l’Entente athlétique bressane ; la gymnastique a été fusionnée avec la section gym fille de la Jeunesse laïque au club de l’Entente gymnique Bourg-en-Bresse.

La lutte gréco-romaine3 reste le sport phare du club sous le nom d’ « AGB Lutte », avec un vivier de jeunes champions dans la lignée des frères Dib. Elle se pratique depuis les origines au gymnase Henri-Villard, complexe sportif de 634 mètres carrés entièrement rénové et inauguré en juin 2022 ; une salle de musculation complète la salle de lutte, désormais nommée « Geo Subtil » en l’honneur de Georges Subtil, ancien lutteur, puis entraîneur et président de l’association sportive de 1988 à 2000. Une plaque le rappelle. Du lundi au vendredi, plus de 250 licenciés se partagent plusieurs disciplines, en loisir ou compétition : jeux de lutte, entraînement, Wrestling Training, lutte loisir, lutte scolaire et lutte féminine. La catégorie baby lutte accueille les enfants de plus de 3 ans.

Depuis 2016, l’AGB est présidée par Aziz Esslimi. ancien sportif de haut niveau qui a remporté 2 titres de champion de France (2002 et 2009) et 3 titres de vice-champion de France. Il a à cœur de mettre en avant les bienfaits sociaux de la lutte : confiance en soi, inclusion, respect, mise en valeur des compétences, émancipation des femmes, travail en collectivité et bénévolat.

3 Appelée « lutte à mains plates » ou « lutte française », elle naît en France au XIXe siècle. Son premier précepte est de ne jamais blesser l’adversaire.

Des infrastructures sportives pour célébrer la mémoire du club

Entre 1895 et 1909, l’Alouette des Gaules initie un projet de construction d’un hôtel des sociétés place Bernard. Mais les « plans qui prévoyaient des salles de concert, de conférence, de gymnastique, ne se concrétiseront jamais ». Aujourd’hui, 3 complexes sportifs proches rendent hommage à des personnalités de l’Alouette : le stade Louis-Parant, le gymnase Henri-Villard et le cosec4 Claudius-Favier.
Toujours siège du club, le stade comprend une piste, le gymnase Henri-Villard, des jeux de boules et un pavillon avec une salle de réunion au rez-de-chaussée. Deux statues encadrent le portail d’entrée : elles représentent un haltérophile et deux lutteurs antiques. L’un d’eux n’est autre que Claudius Favier, qui a servi de modèle au sculpteur Alexandre Maspoli. Ce dernier a participé aux premiers Jeux olympiques d’Athènes en 1896. Lors de son inauguration en 1928, le stade a été honoré par la présence du baron Pierre de Coubertin (1863-1937). Celui-ci, qui a pris part au développement du sport en France à la fin du XIXe siècle, notamment au sein de l’USFSA (Union des sociétés françaises de sports athlétiques), est entre-temps devenu célèbre en tant que rénovateur des Jeux olympiques de l’ère moderne.

4 Complexe omnisports évolutif couvert.

Pour en savoir plus sur le club de l’Alouette des Gaules, rendez-vous sur AGB Lutte !

Sources

Maurice Brocard, 2000. Bourg de A à Z.
Association « Chroniques de Bresse », 2013. Publication n° 6.
Magazine municipal C’est à Bourg, n° 187, avril 2009.

Photos

AGB Lutte (sauf mention)